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Vue sur le quartier |
Plus
connu sous le nom de « Soufou Pont » qui veut dire sous le pont,
Wakhinane est situé à la descente du pont de Colobane. Considéré par beaucoup comme un lieu de travail, des familles y
vivent. Une visite dans ce quartier pourtant densément occupé a permis d’en savoir un peu plus sur les conditions
de vie.
Des
constructions en baraque à perte de vue, c’est ce qui attire en premier à
Wakhinane. Difficile de croire qu’au milieu de ces carcasses de voiture
entassées, de ces multiples ateliers de forge et de mécaniciens, des familles entières y vivent. A la descente du pont de Colobane, il faut
traverser les rails puis un canal à ciel ouvert pour arriver dans le quartier.
Ici des cars rapides, des taxis, des Mercedes, des camions sont entreposés dans
les rues, signe de la présence de mécaniciens.
Seulement ce décor pourrait bientôt disparaître. A
la date du 28 Février 2017 tous devront quitter les lieux, le site étant un
espace du domaine de l’Etat. Wakhinane, zone par laquelle va passer le Train
Express Régional (TER) du Sénégal dont les travaux ont été lancés le 14
Décembre 2016. Dans un sondage fait par l’Agence Nationale de la Statistique et
de la Démographie (ANSD) en 2013, 69.045 personnes dont 12.614 ménages ont été
recensées comme impactées par le projet dans la commune de Hann Bel Air.
Quelque 677 places d’affaires (ateliers, cantines sur la voie publique, étal,
kiosque) ont été décomptées à Wakhinane à la même période.
Une décision qui frustre les occupants de ce
quartier dont le chef de quartier El hadj Issakha Diop. Depuis 1985, il est là
avec sa famille et dit connaitre les moindres coins et recoins de la cité. Le
drapeau du Sénégal flotte devant la porte d’entrée de la maison en baraque. Dans
la cour règne une ambiance détendue, en cet après-midi de Lundi. Les membres de
la famille Diop buvaient du thé en discutant de la Can et de la victoire du
Cameroun sur l’Egypte.
M. Diop dirige ce quartier depuis une dizaine
d’années. Agé de près de 80ans, le vieux a la barbe toute blanche et a perdu
une partie de ses dents. Debout devant son enclos, donnant à manger à ses 5
moutons et à ses pigeons, cet ancien militaire qui s’exprime bien en Wolof et
Français est un peu sourd. Selon lui, depuis sa création en 1978 tous les
déguerpis de Dakar étaient recasés à Wakhinane. Le Gouverneur de Dakar Thierno
Birahim Ndao avait adopté une telle politique.
Ici, plusieurs races
s’y retrouvent: Wolofs, Sérères, Diolas, Peulhs, et même des Guinéens et
des Maliens y sont. Mais les problèmes ne manquent pas d’arriver comme entre ce
Maure, vendeur de gargote, et son voisin Sérère qui lui doit de l’argent depuis
7 mois. Muni de sa plainte, il est venu remettre la convocation au chef de
quartier qui lui a demandé 24h pour convoquer l’autre partie et régler
l’affaire à l’amiable.
Des infrastructures, il en manque dans ce quartier. Les
populations pour avoir des papiers administratifs se rendent à la Mairie de
Hann-Bel Air, commune à laquelle ils appartiennent. En l’absence de poste de
police, un comité de veille a été mis en place pour assurer la sécurité. Un
jeune du quartier, membre de ce comité, nos confie que ce sont eux-mêmes qui
veillent sur la sécurité de leur zone. Les personnes malintentionnées, ils les
chassent vite fait de leur quartier sans dire par quels moyens.
Dans les coins de rue, les enfants jouent en toute
insouciance avec des pièces en métal ramassées dans les ateliers des ouvriers. Beaucoup
sans chaussures courent sur la saleté pour jouer à cache-cache, ou au football.
A 17h, heure de la descente les ouvriers qui sortent des usines d’à côté
passent acheter de quoi grignoter. « Comme
la plupart rentre en banlieue, ils passent acheter de quoi manger. En attendant
d’arriver à la maison et de bien manger son bol de riz ou dîner », nous
explique cette vendeuse de beignets. Seulement le sifflement du petit train
bleu annonçant son arrivée à la gare de Colobane fait courir des voyageurs en
retard. Sur son passage, le train soulève la poussière ce qui irrite les
narines. Une impression de tremblement vous traverse les jambes.
A Wakhinane, la case de santé ne fonctionne plus. Crée
au début des années 2000 avec le financement de l’ONG ENDA Tiers Monde, elle
est fermée les populations
obligées d’aller vers les centres de santé de Colobane, Yarakh ou des
Hlm. Ndéye Gueye vit ici depuis dix (10) ans et gère le robinet public, travail
qu’elle allie avec celui de lavandière. Le teint noir, des rides sur le visage, les
lèvres craquelées, la peau sèche, elle
paraît peu se préoccuper des soins de beauté. En pagne et tee-shirt à l’effigie
d’un lutteur du Baol, le foulard mal noué sur la tête, elle tient son bébé
d’environ 6 mois sur les bras. Selon
elle, à chaque fois qu’ils ont des soucis de santé, ils vont soit dans un poste
de santé de Colobane, des Hlm ou à Yarakh. Comme lors de sa dernière grossesse,
elle faisait ses visites prénatales au centre de santé de Colobane.
L’absence d’infrastructures cause de nombreux
problèmes aux habitants obligés de faire avec les moyens du bord en cas de
besoin. Mère Fatou Diouf en a vécu l’expérience. Sa maison a pris feu il y a
quelques semaines. La petite porte en zinc, qui tient à peine, donne sur une
cour étroite. Des bruits de marteau témoignant des travaux qui sont en cours,
vous accueillent dès votre arrivée. Un menuisier construit une chambre en bois.
Un enfant de 3ans en jean et pull longue
manche, pieds nus nous accompagne à l’intérieur. Mme Diouf est trouvée
entrain de laver des bouteilles d’huile vides de 20 litres, qui revendues vont servir
de réserves d’eau dans les restaurants et ateliers. Des restes de bois
consumés, des habits brûlés, des
baraques détruites, sont en entassés dans un coin.
Elle narre
les faits : « Il y a quelques
jours, un incendie s’est déclaré dans ma maison vers 21h. Avec le vent, les flammes se sont
très vite répandues détruisant 3
chambres. Toutes nos affaires sont parties en fumée. Les matelas, mon armoire
et tout ce qu’il y avait à l’intérieur réduits en cendre. Je remercie mes
voisins sans qui ça aurait été pire, ce sont eux même qui ont fini par éteindre
le feu avec des seaux d’eau qu’ils se passaient d’une maison à une autre. »
La seule chambre épargnée par les flammes sert désormais de dortoir pour la
mère de famille, ses 2 filles et ses petits- enfants. Les garçons sont hébergés
par leurs voisins.
Wakhinane dispose de 2 écoles communautaires construites
par les populations. L’une d’elle se trouve en face du pont de Colobane, elle
n’a qu’une seule classe. Sur la façade, du mur, peinte en couleur blanche est
écrit :Ecole Communautaire Wakhinane. De l’intérieur, on voit et on entend
tout ce qui se passe au dehors tels les cris des enfants qui jouent dans la rue. Seuls 9
tables-bancs plus une armoire en fer forment le décor dans la classe. La porte
et la fenêtre ouvertes permettent
d’éclairer la salle un peu obscure. Sur le toit en bois et zinc est suspendue
une lampe ampoule. Les cours de Français
sont donnés de 8h à 13h et de 15h à 17 du Lundi au Samedi. Le groupe du soir
fait Arabe de 13h à 17h. Les mensualités sont de 1500Fcfa de la C1 à la CE2 et
les élèves de CM1 et CM2 paient 2000Fcfa. Dans la classe, il y a 2 rangées de
tables-bancs. La 1ère est occupée par les aînés qui font la CM1 et
la CM2 et la 2e les enfants
qui sont de la CI à la CE2. L’instituteur divise le tableau en 2 parties égales.
A 18h, la salle est très animée avec des vas et viens des élèves jusqu’à ce que
Oustaz sonne la fin de la récréation à 18h30 marquant le début des cours. 40
élèves sont présents dans la classe et s’assoient à 4 ou 5 par table. Les
élèves de la CI à la CE2 âgés entre 5 et
15ans sont les plus nombreux. Après
les salutations en arabe, Oustaz fait un
rappel sur le cours passé puis commence une nouvelle leçon, le tout en Wolof.
Les élèves habitent tous le quartier. Beaucoup travaillent comme fille de
ménage dans les quartiers environnants, c’est à la descente du travail qu’elles
viennent à l’école pour étudier. Une d’elles Soda Gningue a 20ans et habite
avec sa sœur et ses cinq (5) amies dans une chambre louée 15.000Fcfa. L’originaire
de Bambey qui travaille aux Hlm 5, dit parvenir à lire en arabe et à bien
pratiquer sa religion.
Wakhinane c’est un site d’habitation mais aussi un
lieu de travail pour des centaines de personnes. Ici les maisons construites en
toute anarchie côtoient les ateliers. Mais la question de leur prochain déguerpissement
les rend furieux, et réveille leur colère. Tous sont conscients qu’ils doivent partir mais ne savent pas où
aller et fustigent les 800.000Fcfa proposés comme indemnité par propriété. Ceux
qui ont déjà signé vont percevoir leur argent, quand à Pa Diop il a rendez-vous
la semaine prochaine à l’APIX pour signer et se résigner à partir ailleurs avec
ses amis.
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